Le marché Cloud bruisse de rumeurs concernant le lancement imminent par Microsoft d’un nouveau produit : Cloud PC as a Service. Cette dénomination ne laisse planer aucun doute : il s’agit d’un poste de travail virtuel Cloud hébergé par le géant de Redmond. L’occasion de faire le point sur cette technologie en voie de franchir un nouveau palier.
Vous le savez, les postes virtuels sont un peu notre marotte. Nous vous en parlons régulièrement, car il s’agit pour les PME d’une alternative avantageuse aux postes physiques. Si Amazon Web Services domine ce marché, classé sous la dénomination DaaS – Desktop as a Service, la concurrence fourbit ses armes pour ne pas laisser la firme de Jeff Bezos occuper seule ce segment.
Il faut dire que le produit d’Amazon est particulièrement abouti, et a laissé sur place des concurrents bien plus prestigieux. C’est d’ailleurs la solution que nous privilégions pour nos clients, même ceux généralement sensibles du secteur de la finance, car il est stable, fiable, et parfaitement sécurisé. Pour ne rien gâcher, il est disponible sur à peu près n’importe quelle plateforme, et en quelques clics, ce qui le rend mobile par nature.
Si Microsoft a tenté de répondre il y a maintenant 18 mois avec la mise à disposition publique de son Windows Virtual Desktop, le marché a répondu mollement. Il faut dire que, fidèle à son habitude, le géant du logiciel a livré une première mouture du produit qui n’était ni simple à déployer et configurer, et dont l’administration et la gestion des coûts était chaotique. Autrement dit : pas vraiment fini. Une seconde version est d’ailleurs sortie assez rapidement, qui n’a que moyennement rectifié le tir.
Microsoft n’avait pas visé juste avec Windows Virtual Desktop. Mais la firme de Redmond est pleine de ressources… et de trésorerie : elle peut se permettre ce genre d’erreur.
Dans les faits, là où Amazon fourni une gamme de machines qui en sont vraiment – comprenez par-là qu’elles disposent de processeurs et de mémoire dédiés, Microsoft se reposait sur son infrastructure Azure pour déployer une usine à gaz et répartir un pool de ressources entre un nombre prédéfini d’utilisateurs. A l’extrême limite, il était possible de reproduire le modèle d’Amazon, mais avec des coûts sans rapport, et au prix d’un effort de configuration sans commune mesure.
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On en était donc là il y a quelques semaines, avant que les rumeurs d’un produit équivalent, dénommé Cloud PC as a Service, ne refassent surface. Car ce produit a déjà été évoqué par le passé, sans qu’on n’en voie le bout du commencement d’une phase de test. Les choses semblent maintenant plus sérieuses, puisque les bruits de couloir se font plus insistants, et que Microsoft pourrait bien profiter de son grand événement annuel Ignite en Juillet pour lancer officiellement son nouveau produit.
Le timing, en dehors de coïncider avec un événement porteur pour l’éditeur, n’a probablement rien d’anodin. Amazon, pionnier du secteur, devrait annoncer prochainement une mise à niveau majeure de son AWS Workspaces, en déployant le service sur Windows 2019 Server. Les postes virtuels d’AWS sont en effet encore cantonnés sur Windows Server 2016, une version pas encore obsolète mais plus vraiment jeune, et qui souffre de quelques manques fonctionnels par rapport à Windows Server 2019, une version pas vraiment récente non plus.
Parti en tête depuis longtemps, AWS se devait de réagir
Amazon, qui a imprégné sa marque dans le monde du Cloud avec un développement produit débridé, n’a pas pour habitude de laisser ses solutions devenir obsolètes. Et pourtant, AWS Workspaces, qui est un des dix produits Amazon Web Services les plus vendus sur le continent américain, perdait gentiment de sa superbe en même temps que le temps passait. La faute probable à des discussions tendues avec Microsoft concernant les licences Windows qui équipent Workspaces.
Le temps était donc venu pour AWS d’accélérer la cadence, et de reprendre la main sur un marché qu’elle maîtrise. D’autant que la course pourrait ne pas s’arrêter à ces deux acteurs. OVH, le leader européen du Cloud, quoiqu’encore marqué par ses déboires récents, se tourne vers l’avenir.
OVH et Octave Klaba entrent dans la danse du poste virtuel Cloud
L’hébergeur français a racheté au début du mois Blade, la spécialiste du PC en ligne dédié aux jeux. Pour OVH, il s’agit d’un coup stratégique de premier plan pour acquérir une technologie qui pourrait bien lui permettre de monter aussi en gamme dans le monde du PC virtuel. Et proposer à terme ce type de service sur ses infrastructures.
Les acteurs du poste virtuel Cloud préparent une bataille qui aura pour enjeu la virtualisation du poste de travail
Le marché du poste virtuel Cloud est donc bel et bien en ébullition. Pour Microsoft, c’est une petite révolution. Son approche jusqu’alors consistait à adresser ce secteur en se basant sur Azure, son offre d’infrastructure Cloud à la demande. Cela permettait de ménager la part de l’entreprise dédiée aux postes de travail et à Windows 10.
En lançant Cloud PC as a Service, elle transfèrera à terme une partie de ses revenus liés aux licences Windows vendues au travers des fabricants de PC – Dell, HP, Lenovo et les autres – vers sa division Cloud. Avec de meilleures marges à la clé, dues à l’absence d’intermédiaires. Cette transition prendra du temps, mais elle est dans la veine du tournant qu’a pris Microsoft depuis maintenant plus de 10 ans avec ses offres Cloud : ne plus se cantonner au rôle d’éditeur, et devenir exploitant de ses propres solutions.
En tout état de cause, ces nouveautés doivent être interprétés par les PME suisses comme un signal fort. Tout simplement parce que Microsoft dispose de la puissance pour faire basculer tout un marché. Et aussi parce qu’elle vise depuis toujours le segment des PME, où elle dispose d’un écosystème de partenaires bien ancré. Le déploiement des infrastructures Microsoft en Suisse depuis 18 mois, et l’arrivée d’AWS sur le sol helvète en 2022 renforcent évidemment ces signaux.
Les efforts Marketing seront donc à n’en pas douter orientés dans ce sens dans les mois qui viennent. A vous de voir alors si vous serez précurseur ou suiveur. En ce qui nous concerne, la question ne se pose plus.
Emmanuel Dardaine