Panne mondiale Microsoft 365 : quels enseignements tirer ?
Le 25 janvier dernier, une panne a affecté les services Cloud de Microsoft. Tous les services Cloud. Les clients de Microsoft 365 – ils sont nombreux en Suisse – ont pris conscience de leur dépendance au géant américain. Au point de remettre en cause le choix de ce fournisseur ? Rien n’est moins sûr. Décryptage d’une panne qui ne reste qu’une panne.
Il en va ainsi de notre dépendance au numérique : le moindre couac fait la une des journaux. Nous étions plus habitués à des interruptions de service sur les réseaux sociaux, comme cela est arrivé il y a encore quelques mois chez Meta. Mais Microsoft ne fait donc pas exception à la règle non plus, et la coupure de service du mois de janvier 2023 fera date.
Concrètement, un problème de réseau a mené à l’indisponibilité, plus ou moins complète, des services en ligne Microsoft 365. Cette gamme comprend notamment les produits de base exploités maintenant par des millions d’entreprise à travers le monde : la messagerie d’entreprise Exchange Online, mais aussi l’outil de collaboration Teams. Ou encore la suite Office en ligne. Les services d’infrastructure Cloud de Microsoft, dénommés Azure, ont également été impactés.
Une erreur humaine en cause
A l’origine de cette panne, une modification du routage sur le réseau mondial de Microsoft. Le routage détermine l’acheminement des flux de données sur Internet, depuis et vers le réseau de Microsoft. C’est donc une simple erreur humaine qui a conduit à cette interruption de service notable. La panne a finalement été résolue en annulant les modifications effectuées sur le réseau.
Cette coupure a révélé, si c’était encore nécessaire, l’ampleur de la pénétration de Microsoft sur les services en ligne pour les entreprises. Depuis le lancement d’Office 365 en 2011, devenu Microsoft 365 entretemps, le géant de Redmond n’a cessé de gagner des parts de marché. Son omniprésence dans les PME, et l’absence cruelle de concurrence dans le secteur de la bureautique, l’ont aidé dans l’établissement de cette domination sans partage.
Microsoft 365 ne laisse que des miettes aux concurrents dans le secteur de la bureautique. Et ceux-ci ne semblent pas très affamés.
Le moindre dérapage est donc d’autant plus visible que le marché a basculé en quelques années sur les services proposés par Microsoft. Non seulement les licences Office sont louées mensuellement par les entreprises. Mais surtout, Microsoft est passé du statut d’éditeur à celui de fournisseur de services en ligne, en exploitant ses propres logiciels sur ses infrastructures pour le compte de ses clients.
Dans les faits, les PME qui exploitent encore leur propre serveur de messagerie sont un peu moins nombreuses à mesure que le temps passe. Idem pour le stockage de leurs fichiers. Elles confient donc un peu plus chaque jour leurs données à Microsoft, en s’appuyant sur les licences et les services du leader mondial de la bureautique. A tort ? Pas forcément.
Microsoft 365 sans concurrence
Si l‘effet de volume rend la moindre panne visible, c’est aussi parce que cela reste exceptionnel. La combinaison du nombre croissant de clients d’une part, et de la stabilité des services d’autre part, donne à chaque épiphénomène une ampleur retentissante. Pourtant, à y regarder de plus près, les interruptions restent bien plus limitées que lorsqu’une PME exploite ses propres systèmes pour aboutir au même niveau de service.
Les concurrents et les sceptiques n’auront pas manqué de tirer à boulet rouge sur le leader du marché Cloud. A raison, si l’on considère que cette panne était liée à une erreur humaine. Et que Microsoft affirme haut et fort son statut de leader. C’est de bonne guerre et finalement assez sain : on entend parler à longueur de journée d’intelligence artificielle, et une simple mauvaise manipulation aura eu raison d’un des plus gros réseaux mondiaux. Mais la remise en cause a fait long feu.
La faute à l’absence d’alternative. Amazon Web Services, la division Cloud du géant du eCommerce, dispose bien de quelques services concurrents, Workmail et Workdocs pour ne pas les citer, mais ces produits efficaces n’ont pas su évoluer et se sont fait rattraper. Du côté de Google, les outils en ligne existent depuis longtemps, mais restent malgré tout confidentiels ou cantonnés à quelques secteurs de prédilection – les startups ou les agences de communication par exemple.
En 30 années d’existence, Office n’a jamais rencontré de concurrence sérieuse
Microsoft a su capitaliser sur son omniprésence sur le marché des entreprises pour basculer ses clients sur ses outils en ligne. Et leur faire se passer de leurs serveurs tout en étouffant toute concurrence. Difficile maintenant de revenir en arrière. Tout autant que d’aller voir ailleurs. Et ceci d’autant plus que les services sont globalement fiables.
Une fiabilité remarquable, malgré tout
Car la panne du début d’année, pour autant notable qu’elle soit, ne doit pas cacher la réalité : les services Cloud sont (très) stables et (très) fiables. Ceux de Microsoft comme ceux des concurrents. Les petites entreprises ont bien compris l’intérêt de ces services qui leur apportent flexibilité, mobilité et solidité. Mais, Microsoft tire son avantage concurrentiel de l’intégration de ses services avec tous les outils bureautiques. Et de son monopole en la matière dans le secteur professionnel.
Si d’autres pannes se produiront probablement dans le futur, chez Microsoft comme ailleurs, elles ne remettront donc pas en cause la marche forcé du bébé de Bill Gates vers sa capture du marché. Car à moins que la concurrence ne se réveille pour aller chercher le numéro 1 sur son terrain de prédilection, les quelques hoquets à venir n’auront pas de quoi ébranler la satisfaction de la clientèle. Qui reste et restera élevée.
Emmanuel Dardaine
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